HISTORIQUE

En août 2013, j’étais parti faire un trek au Népal. Rupak était mon guide. Sur notre parcours nous nous arrêtâmes à Kagbéni, village du bas Mustang, dans le lodge Red House. Cet établissement  jouit d’une belle réputation  en raison notamment d’une grande statue de Bouddha qu’il abrite dans un temple privé au sein même de l’hôtel qui offre par ailleurs un niveau de confort supérieur à la moyenne. Une petite fille à qui je donnais à peine 8 huit ans, vaquait à des tâches domestiques. Je pensais d’abord que c’était une enfant de la maison mais j’appris bientôt que Chengdoma – c’était son nom – avait été «vendue» au propriétaire du lodge par sa mère très pauvre qui ne pouvait plus subvenir à ses besoins  pour l’équivalent de 10€. Le propriétaire s’était engagé à lui donner à manger et à l’envoyer à l’école du village en échange des besognes qu’elle  accomplirait. Chengdoma n’avait que très peu fréquenté l’école dans son village reculé du Haut Mustang. A Kagbeni, elle n’y alla plus du tout. Je décidai de la sortir de cette situation de servitude et de lui permettre d’aller à l’école pour se construire un avenir. Mon guide Rupak me permit de réaliser ce rêve en allant à Dhakmar rencontrer sa mère qui lui  donna son accord. Puis il retourna à Kagbéni, avec la sœur aînée de Chengdoma, Karchun. Le propriétaire fut alors bien  obligé de laisser partir Chengdoma. Elle put ainsi être scolarisée à l’école Fewa de Pokhara avec laquelle j’avais pris contact avant de rentrer en France.  Dans un premier temps elle fut aussi inscrite à l’internat de l’école.

Chengdoma, en uniforme de l’école Fewa (juillet 2014)

Ma femme Dominique et moi avions décidé de subvenir entièrement à ses besoins. Mais nous avions bien conscience que nous ne pourrions le faire pour d’autres enfants connaissant les mêmes misérables conditions qu’elle. C’est pourquoi nous avons créé  en octobre 2013 l’association « Chengdoma, Solidarité avec le Népal ». Les premiers dons nous ont permis rapidement de sortir un deuxième enfant, Aashish Pariyar, 8 ans,  d’une situation presque identique.

Aashish dans la cour de l'école Fewa
Aashish dans la cour de l’école Fewa (juillet 2014)

Un an après, j’ai été avec un autre guide, Krishna, et le directeur de l’école, Sher, dans un village des contreforts de l’Annapurna, chercher un enfant qui était dans une situation particulièrement misérable, mais qui n’était pas exploité. Son avenir, à lui aussi, était bien sombre.  En août 2014, Ajay Tamang, 10 ans, a donc rejoint Chengdoma et Aashish à l’école Fewa de Pokhara.

Ajay en route pour l'école Fewa de Pokhara
Ajay Tamang, 10 ans, sur le chemin entre Chyamche, son village et Pokhara (juillet 2014)

Pendant 7 ans l’association a subvenu aux besoins de ces trois enfants, et  leur a permis de poursuivre leur scolarité en dépit de tous les événements parfois terribles qui se sont abattus sur le Népal.

En 2016, nous avons pris en charge une quatrième enfant, Tasi, qui nous avait été signalée par des trekkers. Sa mère l’avait placée très jeune dans un hôtel de Samar, au Haut Mustang. Je m’étais rendu sur place avec Rupak pour essayer de la libérer. Sans succès.

Tasi le jour de son arrivée à l’école Fewa (juillet 2016)

Il a fallu l’intervention des services officiels de l’aide à l’enfance népalaise pour y parvenir, après un an d’effort. Son adaptation n’a cependant pas été facile et en février 2020, après plusieurs incidents qui ont semé le trouble dans la petite communauté, il a été convenu qu’il valait mieux que Tasi, trop éprise de liberté pour accepter les contraintes de l’école et de la vie en groupe, suive un autre chemin qui lui convienne mieux.

D’abord accueillis à l’internat de l’école Fewa, les enfants bénéficient depuis 2017 d’un hébergement en famille d’accueil, grâce à Rupak et à sa femme Kumari. L’association assume tous les frais de ce nouveau dispositif: salaire de Kumari, nourriture, vêtements, soins médicaux, une grande partie du loyer de l’appartement, et bien sûr les frais de scolarité et les fournitures scolaires. Ils jouissent ainsi d’un environnement familial chaleureux et sécurisant. Pour autant les liens avec les familles sont maintenus et les enfants retournent dans leur village quand c’est possible.

Un repas convivial (avril 2018)

Le décès de Dominique, mon épouse, en 2018, fut un rude coup dont l’association aurait pu ne pas se relever. Mais, grâce au soutien fidèle de ses membres, l’association poursuit son action en faveur des enfants qu’elle a en charge depuis plus de 7 ans.

2020 a été une année compliquée en raison de la crise sanitaire qui sévit au Népal comme ailleurs. Isolés dans leurs villages depuis avril,  les enfants n’ont pu rejoindre Pokhara qu’en septembre. Durant ces  six mois ils ont été privés de scolarité.  Après leur retour, ils ont pu suivre les cours à distance organisés par l’école grâce aux téléphones portables que l’association leur a achetés.

Aashish avec son nouveau mobile (septembre 2020)

Chengdoma qui a maintenant 16 ans est en classe 9 et passera donc son SLC (School leaving certificate – sorte de brevet de fin d’études secondaires) l’an prochain. Ajay est en classe 8 et Aashish en classe 7. Tous trois sont des élèves assidus et sérieux qui ont des projets bien arrêtés pour plus tard. Chengdoma veut devenir professeur, Ajay veut entrer dans l’armée, et Aashish aimerait devenir entraîneur de basket.

L’association les aidera le temps qu’il  faudra à réaliser leur rêve.

Paul Robert, président de l’association  (décembre 2020)